par Jean Pierre Trivelly,
Article paru dans Cez'air le mag' en février 2015
Tous les propriétaires d’oliviers l’ont remarqué, la récolte d’olive est, cette année, désastreuse. Depuis le mois de juillet, une succession d’évènements négatifs ont compromis, jusqu'à l’anéantir, tout espoir de récolte. Il y a d’abord eu la « chute de juillet » qui, si elle est considérée comme naturelle, n’en a pas moins été très importante. Cette chute de petites olives vertes revient chaque année à la même période avec plus ou moins d’intensité sans que l’on ait identifié précisément sa cause ; la différence importante des températures entre le jour et la nuit, à cette période, pourrait être une piste sérieuse mais les chercheurs ont identifié 13 autres possibilités ! Puis il y a eu : la mouche de l’olive.
Ce petit insecte, qui répond au doux nom de bactrocera oleae (« queiroun » en provençal), sévit chaque année avec plus ou moins d’intensité et cette année, c’était plutôt plus ! Contrairement à une idée répandue, elle ne pique pas l’homme. Pour bien comprendre le problème, il faut s’intéresser un peu à sa biologie. La question n’est pas nouvelle puisque cette petite mouche existe pratiquement depuis que l’olivier existe ; on la dit « inféodée à l’olivier » puisque qu’elle se reproduit uniquement par l’intermédiaire d’une olive. Elle fait partie des insectes les plus étudiés dans le monde tant ses dégâts peuvent être économiquement considérables (on peut estimer à plus de 4 000 le nombre de publications scientifiques qui lui ont déjà été consacrées).
Chronologie : les premières infestations commencent début juillet à partir des larves qui ont passé l’hiver en terre. A partir du moment où l’olive est réceptive (9 mm de long), les mouches commencent à pondre leurs œufs dans le fruit. Graduellement la population s’accroît au rythme d’une génération tous les 20/30 jours, pour atteindre un maximum en septembre - octobre. Une mouche femelle peut se déplacer de 400 m en moyenne par semaine (elle peut même traverser la mer entre deux îles distantes de 10 Km !), vivre 6 mois et pondre jusqu'à 400 œufs. Au vu de ces données, un simple calcul théorique permet d’imaginer qu’une seule mouche, au bout de 4 générations, aura donné naissance à 25.6 milliards d’individus ! Mais, rassurons-nous, tous les œufs ne vont pas éclore. La mortalité des œufs dans les jeunes fruits est exceptionnellement haute. Ensuite la chaleur de l’été va réduire l’éclosion des œufs et bloquer la ponte. Les jeunes larves commencent ensuite à dévorer la pulpe du fruit. Là aussi la chaleur de l’été va compromettre leur évolution. Au-dessus de 30°C, la mortalité des larves augmente. Une multitude d’insectes utiles (parasites, prédateurs) vont également réduire les populations. Les larves survivantes vont se nymphoser dans le fruit et donner directement naissance à une mouche adulte qui sort de l’olive et le cycle recommence. A la mi automne, la totalité de la population va s’enterrer sous la frondaison des arbres dans les premiers centimètres du sol. Cette fois-ci, ce sont le froid, et aussi la pluie, qui vont décimer les populations et l’on estime que leur survie hivernale n’est que de 1 à 3 %. Cette année, les conditions climatiques exceptionnellement douces en hiver, humides au printemps et tempérées en été, ont favorisé grandement la pullulation de cet insecte, ce qui a provoqué les énormes dégâts constatés.
Que peut-on faire ? D’abord compter un peu sur le climat. Il n’est pas du tout sûr qu’il se reproduise à l’identique chaque année. Les climatologues prévoient que nous irions plutôt vers une augmentation de la sècheresse et des températures estivales en hausse, ce qui limiterait grandement la prolifération de cet insecte. Les traitements chimiques, au vu de leur nocivité sur l’environnement et la faune utile, ne sont plus à l’ordre du jour. Les essais de pulvérisation d’argile blanche ont donné de bons résultats (à l’exception de cette année où la pression était trop forte). Il s’agit de pulvériser une bouillie d’argile blanche (Kaolinite en vente dans les jardineries) sur l’ensemble de la frondaison des oliviers: la mouche de l’olive, perturbée par la rugosité présente sur la chair de l’olive, est découragée ; elle s’en va chercher une olive plus propre…..chez le voisin ! Malheureusement ce traitement est fastidieux et devra être réalisé plusieurs fois dans l’été pour maintenir une couverture constante. (Un minimum de 6 traitements aurait été nécessaire cette année !)
Un autre insecte a encore amplifié les dégâts infligés aux olives : il s’agit de la cécidomyie de l’olive (prolasioptera berlesiana pour les intimes !). Cette petite mouche de 3 mm n’est pas nouvelle non plus ; elle a été observée pour la première fois par M. Paoli dans le sud de l’Italie en 1907. En fait son statut est ambigu car elle pond aussi ses œufs dans l’olive, elle utilise pour cela le trou de ponte de la mouche de l’olive, mais sa larve en dévore les œufs ; en fait c’est un nuisible…. utile !
En conclusion : pas de catastrophisme, aucune année ne ressemble à la précédente et de tels dégâts ont déjà été constatés par le passé. Personne n’est capable de prédire ce qu’il adviendra dans les années futures tant les interactions entre les insectes, le climat, les pratiques culturales humaines sont complexes.
Nous espérons tous une bonne année oléicole 2015 !
Sources : Traité d’entomologie oléicole d’Yvon Arambourg chercheur à l’INRA d’ Antibes et propriétaire d’une oliveraie à Saint-Cézaire-sur-Siagne, quartier des Tirasses - aujourd’hui décédé.
Quelques chiffres : prévisions de la production d’huile d’olive 2014 2015: moins 50% en Espagne (premier producteur mondial) moins 57% en Grèce, moins 30% en Italie, moins 25% au Maroc; une aubaine pour la Tunisie qui a quadruplé sa production !